C ’est tout jeune que Guillaume Louradour est tombé dans la marmite du cinéma. « Grâce aux dispositifs scolaires en fait, comme Ma classe au cinéma, ou encore Collège au cinéma, qui m’ont fait voir de nombreux films, dont certains m’ont bouleversé, comme Elephant man », confie le directeur, depuis trois mois maintenant, du cinéma Jacques-Tati. Au lycée, celui qui est né en 1987 à Brive-la- Gaillarde (Corrèze), prend l’option cinéma, au cours de laquelle il apprend l’histoire du 7e art, mais également à réaliser des courts-métrages.
« Je fréquentais aussi beaucoup le Rex à Brive, où je me souviens que Claude Miller était venu. C’est là que j’ai découvert ce qu’est un exploitant de cinéma. Je donnais par ailleurs un coup de main pour l’organisation du festival de moyen-métrage qui a lieu dans la ville chaque année », raconte l’habitant d’Enghien-les-Bains, qui s’est également occupé à l’époque du ciné-club de son lycée. « J’ai alors appris ce qu’était la programmation des films. Nous voulions montrer des œuvres un peu à part. Ce furent mes premières rencontres avec le public », relate le directeur du cinéma tremblaysien, qui est resté deux ans en fac d’histoire, avant de finalement décrocher un CAP de projectionniste. Métier qu’il exerce d’abord au cours de l’été, dans un cinéma de plage.
Vient ensuite l’embauche par le cinéma Utopia à Toulouse, en tant que projectionniste. « L’organisation y était très horizontale : je touchais ainsi à tout ! J’écrivais pour la gazette, j’animais des soirées, j’étais parfois agent d’accueil et je m’occupais aussi de l’administratif. Il y avait là un public très fidèle », souligne Guillaume Louradour à ce moment-là, créé une association qui fut à l’origine du festival Fifigrot, le Festival international du film grolandais de Toulouse qui propose, pendant une semaine, des films décalés, dans le plus pur esprit Groland.
« Assumer notre rôle de défricheurs »
Après l’expérience toulousaine, il choisit de redevenir étudiant et s’inscrit à la Fémis, l’École nationale supérieure des métiers de l'image et du son, à Paris. Fondé en 1986, l’établissement, très réputé, délivre un enseignement technique et artistique destiné à former des professionnels des métiers de l'audiovisuel et du cinéma. « J’y ai côtoyé énormément de professionnels et j’ai effectué de nombreux stages, aussi bien dans de petites structures indépendantes que dans un grand complexe comme l’UGC Ciné-Cité. Nous avions également eu l’occasion de venir au Jacques-Tati, dans le cadre de Terra di cinema, le festival annuel organisé par l’association Parfums d’Italie, et qui propose un large panorama du cinéma contemporain italien », détaille le trentenaire.
Diplômé deux ans plus tard, il est ensuite embauché à Argenteuil, au sein des cinémas art et essai Le Figuier blanc et Jean-Gabin, où il met notamment en place une politique de diffusion au sein des quartiers prioritaires. Vient ensuite cette opportunité de travailler à Tremblay. « Je n’arrivais pas en terre inconnue ! C’est en tout cas un cinéma qui est réputé et qui compte encore beaucoup pour les distributeurs, malgré la forte concurrence que nous subissons. Mais nous avons toujours l’ambition d’assumer notre rôle de défricheurs », fait valoir celui qui est heureux « d’avoir fait de sa passion un métier ».
Mélanger les publics
Pour son directeur, le rôle majeur du Jacques-Tati, qui prend part à tous les dispositifs scolaires, se trouve être l’éducation à l’image. Le cinéma édite ainsi chaque année une publication très complète, intitulée Du cinéma dans le cartable, qui donne des pistes de travail aux enseignants pour réfléchir sur les images et initier les élèves à l’histoire du 7e art. « Je me sens bien dans un cinéma de banlieue, on peut y mélanger les publics, avec l’ambition d’attirer des personnes éloignées de la culture. Plus généralement, je veux remettre les adhérents au cœur du projet de ce cinéma associatif et que les spectateurs participent davantage à la vie de ce lieu », assure Guillaume Louradour.
Et comment trouver sa place à l’heure du développement des plates-formes numériques et de la concurrence des salles multiplexes ? « Il nous faut apporter une plus-value, celle de l’échange et des rencontres », explique ce grand fan du cinéma documentaire qui aime aussi tout particulièrement les films d’Agnès Varda et ceux de Raymond Depardon, notamment sa trilogie consacrée aux paysans. « Comme je suis fils de paysan, cela m’a réconcilié avec mes racines et mon histoire familiale », veut croire l’Enghiennois, qui se sent comme un poisson dans l’eau au Jacques-Tati où, selon lui, pas une journée ne ressemble à une autre et où il aimerait développer davantage le hall et la cafétéria, pour que les spectateurs s’y sentent encore mieux.